À la ferme Jean-Yves Gamelin, on entretient le goût de la fraise depuis près de 50 ans



Hélène Ruel

LES QUATRE ASSOCIÉS : Nathalie Gamelin, Mariette Gamelin, Jean-Yves Gamelin et Sylvain Lavoie.

À la ferme horticole Jean-Yves Gamelin, on a choisi de demeurer une petite entreprise pour mieux s’occuper des clients. On veut cultiver la qualité, la fraîcheur, le goût ainsi que soigner la réputation des fraises de Pierreville, comme d’autres le font de la fameuse tomate de Saint-Pierre-les-Becquets.

Dans la famille, et cela depuis la génération du père de Jean-Yves, Étienne, on se plaît à dire que chez les Gamelin c’est «l’enfer de la fraise!»

«C’est que quand vient le temps de la récolte, les champs sont tout rouges et qu’il fait très chaud!», commente Mariette en riant.

Inutile de préciser qu’avec le temps froid s’étant éternisé cette année, la saison de cueillette sera retardée d’une dizaine de jours, même si, depuis longtemps, les maraîchers recourent à la plasticulture pour hâter la production.

 

JEAN-YVES GAMELIN, à bord du tracteur, troue la pellicule de plastique qui sert de paillis au maïs.

Pour les petits plants de fraises, par exemple, on déroule une longue pellicule de plastique, une couverture flottante qui les gardera au chaud. On utilise aussi le plastique comme paillis pour le maïs, les tomates, les concombres. Dans certains cas, deux pellicules de plastique servent de «couvre-lit» et d’«édredon» aux plants.

Non seulement, la plasticulture permet-elle de garder la chaleur, mais elle favorise la réduction des engrais et des pesticides. À la ferme Gamelin, on ne détient pas la certification bio, mais on se préoccupe d’agriculture durable. On met en pratique certains des préceptes de l’agriculture biologique, comme la rotation des cultures, l’utilisation des engrais verts et du compost.

Dame Nature a le dernier mot
Les fraises n’arriveront pas plus tôt, même si, par ailleurs, la ferme horticole Jean-Yves Gamelin jouit d’un exceptionnel micro-climat.

C’est le gendre et maintenant associé, Sylvain Lavoie, le mari que Nathalie (une des quatre filles de Jean-Yves et de Mariette) a ramené de Saint-Hyacinthe avec son diplôme en horticulture, qui explique la qualité du climat. La terre sablonneuse de la ferme située dans l’environnement du Lac Saint-Pierre et en bordure du chenal de la rivière Saint-François, procure des conditions idéales à la production horticole. En «degrés-jour», ce petit coin de Pierreville situé à l’extrémité ouest du Centre-du-Québec, offre tout autant de possibilités que la région de Saint-Hyacinthe. Dans la fraise et dans le maïs, on peut se permettre d’espérer des primeurs...

 

SYLVAIN LAVOIE au marché.

Trois générations de Gamelin
Étienne Gamelin avait dont été bien avisé de s’installer là en 1950, lui qui avait décidé de jeter l’ancre après avoir été navigateur. Il allait créer une petite entreprise laitière et déployer une famille de sept enfants, dont Jean-Yves est l’avant-dernier.

Jean-Yves n’a donc plus bougé de la ferme familiale, y attirant l’amour de sa vie, l’institutrice Mariette. Les épousailles ont eu lieu en 1960.

Il n’a pas fallu longtemps aux Gamelin pour décider qu’entre la production laitière et la production maraîchère, il fallait choisir. En 1964, les vaches sont sorties de la ferme et le couple Gamelin a consacré ses efforts à cultiver, en légumes de toutes sortes, les quelque 6 arpents de la terre. Aujourd’hui, pour se donner une idée de l’envergure de l’entreprise, les maraîchers cultivent une trentaine d’arpents.

 

UNE DES SERRES où l’on cultive des fleurs.

Si les cinq variétés de fraises constituent la culture prédominante de la ferme Jean-Yves Gamelin, lui procurant environ la moitié de son chiffre d’affaires, elle a toujours cultivé toute une kyrielle d’autres produits, un bouquet varié selon les époques.

Par exemple, il fut un temps où on cultivait davantage de pommes de terre, rappelle Jean-Yves. «Au temps où les familles étaient bien grandes, la pomme de terre trônait sur la table. On en mangeait beaucoup et, il faut le dire, il y avait une moins grande variété de légumes sur le marché...»

Les producteurs continuent de cultiver la pomme de terre, mais en bien moindres quantités qu’avant. D’ailleurs, au strict plan des affaires, on se dit qu’avec la concurrence dans le marché de la pomme de terre, il serait plus rentable de cultiver davantage de haricots, par exemple.

Les producteurs de Pierreville cultivent donc, entre autres, des haricots, des concombres, des oignons, des tomates, des poivrons rouges, verts et jaunes, des betteraves en long, un peu de carottes et beaucoup de framboises, une production à laquelle ils veulent donner de l’expansion et pour laquelle l’auto-cueillette fonctionne très bien.

 

LE KIOSQUE DE LA FERME située sur le Chenal Tardif.

De nouvelles productions
Il y a longtemps, depuis le milieu des années 1960 au moins, que les Gamelin recourent à la culture en serres. Elles ont d’abord servi de pouponnières pour les plants. Aujourd’hui, une dizaine de serres, offrant une superficie de culture de 2 500 mètres carrés, regorgent de fleurs... de tomates et de concombres.

Ces deux productions en serres, nouvelles à la ferme Gamelin, de même que la culture de la framboise ont été introduites par Nathalie Gamelin et son mari Sylvain Lavoie.

Le retour de Nathalie
Mariette admet que jamais elle aurait osé imaginer que Nathalie revienne «à la maison». Nathalie, non plus d’ailleurs, elle qui, à l’ITA de Saint-Hyacinthe, avait envisagé devenir agronome. Il lui a fallu un stage pour comprendre que le travail dans un bureau ne lui convenait pas. De 1987 à 1996, elle et Sylvain - riche de l’héritage de son grand-père commerçant de légumes et lui-même enseignant à temps partiel à l’École d’agriculture de Nicolet - ont travaillé comme ouvriers employés de la ferme Jean-Yves Gamelin.

Depuis six ans, grâce à un processus de transfert graduel, ils détiennent 40% des parts de la ferme, Jean-Yves et Mariette leur faisant de la place tout autant autour de la table des décisions que dans les champs.

Les quatre associés ont appris à travailler ensemble, à se départager les tâches selon leurs «spécialités». On comptera sur Nathalie pour la comptabilité, sur Sylvain pour le travail dans les serres et dans les champs, sur Jean-Yves pour les semences et l’entretien des plants, sur Mariette pour l’embauche du personnel et le maintien de la discipline dans les rangs... de fraises, un relent de son passé d’institutrice. Si beaucoup de producteurs hésitent à ouvrir leurs champs à l’auto-cueillette, c’est probablement parce qu’ils n’ont pas une Mariette pour veiller à ce que le travail soit bien fait, remarque son époux Jean-Yves.

Et les associés aiment se retrouver au Marché public de Drummondville. C’est la sortie de la semaine pour les producteurs maraîchers! Leur ferme y est d’ailleurs présente depuis près de 50 ans. C’est le lieu du commerce, mais c’est aussi le rendez-vous hebdomadaire, celui par lequel on échange des nouvelles.

Durant trois ans, la ferme Gamelin a fait «saucette» du côté du marché Godefroy, mais a finalement décidé de se retirer, concentrant ses efforts à ses deux habituels lieux de commerce, le marché drummondvillois et son propre kiosque en bordure du Chenal Tardif.

À la ferme Jean-Yves Gamelin, on aime à la fois travailler avec les fruits, les légumes, les fleurs... et le public.